DES SCIENCES ET DES NOUVELLES TECHNOLOGIES
Adopté le 16 mars 2005 Texte original en anglais **************************************************************************************************************************** ASPECTS ÉTHIQUES DES IMPLANTS TIC DANS LE CORPS HUMAIN
avis élaboré à l’initiative directe du GEE
Rapporteurs: Prof. Stefano Rodotà et Prof. Rafael Capurro
***************************************************************************************************************************** Le Groupe européen d'éthique des sciences et des nouvelles technologies
vu le traité sur l’Union européenne, et notamment l’article 6 de ses dispositions communes, relatif au
vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 152, relatif à la santé
vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, du 28 septembre 2000, approuvée par
le Conseil européen de Biarritz le 14 octobre 2000 et proclamée solennellement à Nice par le
Parlement européen, le Conseil et la Commission le 7 décembre 2000, et notamment son article 1er
«Dignité humaine», son article 3 «Droit à l'intégrité de la personne» et son article 8 «Protection des
vu la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 2002, concernant le
traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des
vu la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la
protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à
vu la directive 90/385/CEE du Conseil, du 20 juin 1990, concernant le rapprochement des
législations des États membres relatives aux dispositifs médicaux implantables actifs4,
vu la Convention du Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme et la biomédecine, signée
le 4 avril 1997 à Oviedo, et notamment son article 1er «Objet et finalité», son article 2 «Primauté de
l’être humain», ses articles 5 à 9 sur le consentement et son article 10 «Vie privée et droit à
vu la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l'homme adoptée par l'Unesco le
vu la Convention du Conseil de l’Europe, du 1er janvier 1981, pour la protection des personnes à
l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel7,
vu la Déclaration de principes du Sommet mondial sur la société de l’information,
du 12 décembre 2003, et notamment son point 58 sur l’utilisation des technologies de l’information et
de la communication (TIC) et son point 59 sur les utilisations abusives des TIC8,
vu les auditions d’experts et de services de la Commission organisées par le GEE
le 15 décembre 2003, le 16 mars 2004 et le 15 juin 2004 à Bruxelles,
vu le rapport du Dr Fabienne Nsanze «ICT implants in the human body – A Review», février 20059,
vu la table ronde organisée par le GEE le 21 décembre 2004 à Amsterdam10,
vu l’audition des rapporteurs du GEE, le Prof. Stefano Rodotà et le Prof. Rafael Capurro,
2 JO L 201 du 31.7.2002, pp. 37 à 47. 3 JO L 281 du 23.11.1995, pp. 31 à 50. 4 JO L 189 du 20.7.1990, pp. 17 à 36. 5 http://conventions.coe.int/treaty/fr/treaties/html/164.htm 6 http://portal.unesco.org/shs/fr/ev.php-URL_ID=2228&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html 7 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Treaties/Html/108.htm) 8 http://www.itu.int/wsis/ 9 Joint en annexe au présent avis. 10 Compte rendu des débats de la table ronde «The ethical aspects of ICT implants in the human body» du 21
CONSIDÉRANT CE QUI SUIT: 1. INTRODUCTION
Les technologies de l’information et de la communication (TIC) sont partout. Jusqu’à présent, leur
emprise sur notre quotidien a essentiellement pris la forme d’appareils que nous utilisons à des
fins personnelles ou professionnelles, tels que PC ou ordinateurs portables, téléphones
cellulaires, etc. Avec les dernières avancées technologiques, elles tendent cependant à devenir
partie intégrante de l’individu, soit par le vêtement (wearable computing ou cyber-vêtement), soit
À première vue, les implants utilisant les TIC (ICT implants, ci-après «implants TIC») ne posent
pas de problèmes éthiques – si l’on songe, par exemple, aux stimulateurs cardiaques. Toutefois,
s’ils peuvent être utilisés pour pallier la déficience de certaines fonctions corporelles, ces implants
TIC peuvent aussi être source d’abus, notamment lorsqu’il est possible d'y accéder par réseau
informatique. Bien que, selon certains, ils offrent essentiellement le moyen de restaurer des
capacités fonctionnelles endommagées, contribuant ainsi à la promotion de la dignité humaine, on
pourrait même considérer qu’ils représentent une menace pour celle-ci et, en particulier, pour
l’intégrité du corps humain (voir la section 5).
L’idée de se laisser implanter des dispositifs TIC sous la peau en vue non seulement de restaurer,
mais aussi d’améliorer, certaines capacités fonctionnelles éveille des visions de science-fiction
effrayantes et/ou prometteuses. Dans certains cas, l’implantation de micropuces se pratique
pourtant déjà, avec le risque corrélatif de formes de contrôle de l’individu et de la société.
La relation intime entre fonctions corporelles et psychiques est fondatrice de l’identité personnelle.
Les neurosciences modernes s’accordent à le souligner. Le langage et l’imagination influencent,
de façon unique, notre perception de l’espace et du temps ainsi que de nous-mêmes et des
autres, notre relation à autrui et à notre environnement naturel, la manière dont nous concevons
nos sociétés sur le plan historique, culturel, politique, juridique, économique et technique,
acquérons des connaissances sur nous-mêmes et le monde et créons, produisons et échangeons
Les technologies de l’information et de la communication sont le produit de l’esprit humain.
Utilisant essentiellement des substances non biologiques comme le silicone, elles permettent
d’exécuter un certain nombre de fonctions basées sur des programmes mathématiques ou des
algorithmes. Certaines fonctions biologiques et psychiques peuvent ainsi être simulées11. Il est en
outre possible, non seulement en théorie, mais aujourd’hui aussi dans la pratique, d’implanter des
dispositifs TIC dans le corps humain, notamment pour restaurer certaines fonctions corporelles
ou, dans le cas des prothèses et membres artificiels, remplacer certains organes ou certains
Ce sont là les raisons essentielles pour lesquelles les implants TIC dans le corps humain, qu’ils
existent déjà ou ne soient encore qu'envisagés, ont des implications majeures sur le plan éthique.
En conséquence, le présent avis vise essentiellement à susciter, dans ce domaine à évolution
rapide, une prise de conscience et un questionnement sur les dilemmes éthiques posés par une
série d’implants TIC. Si nous voulons avoir un impact approprié, et en temps utile, sur leurs
diverses applications technologiques, le travail de sensibilisation et d’analyse éthiques doit avoir
lieu maintenant. Le cas échéant, le présent avis pose des limites éthiques claires, énonce des
principes juridiques et propose une série de mesures que devraient arrêter des législateurs
européens conscients de leurs responsabilités. Il traite exclusivement des implants TIC dans le
2. GLOSSAIRE Dispositif TIC: tout dispositif relevant des technologies de l’information et de la communication et
contenant généralement une puce en silicone.
Dispositif médical actif: tout dispositif médical dépendant, pour son fonctionnement, d'une
source d'énergie électrique interne et indépendante ou de toute autre source d'énergie que celle
générée directement par le corps humain ou la pesanteur12.
Dispositif médical implantable actif: tout dispositif médical actif qui est conçu pour être
implanté en totalité ou en partie, par une intervention chirurgicale ou médicale, dans le corps
humain ou, par une intervention médicale, dans un orifice naturel et qui est destiné à rester après
Implants TIC passifs: dispositifs TIC implantables dans le corps humain qui dépendent, pour leur
fonctionnement, d’un champ électromagnétique externe (voir notamment la section 3.1.1. sur la
11 Il convient, à cet égard, de noter qu’il y a actuellement un vif débat sur la conception mécaniste du cerveau, dont il
ne sera pas question dans le présent avis. 12 Définition tirée de la directive 90/385/CEE du Conseil sur les dispositifs médicaux implantables actifs. 13 Définition tirée de la directive 90/385/CEE du Conseil sur les dispositifs médicaux implantables actifs.
Implants TIC en ligne: implants TIC qui dépendent, pour leur fonctionnement d’une connexion
(«en ligne») à un ordinateur externe ou qui peuvent être interrogés («en ligne») par un ordinateur
externe (voir notamment la section 3.1.2. sur les biocapteurs).
Implants TIC autonomes: implants TIC fonctionnant indépendamment d’appareils électroniques
externes (éventuellement après une opération d’initialisation) (voir notamment la section 3.1.1. sur
3. CONTEXTE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE
(Voir le rapport détaillé du Dr Fabienne Nsanze «ICT implants in the human body – A Review»,
février 2005, joint en annexe au présent avis.)
3.1. Applications actuelles et recherche 3.1.1. Applications: les implants TIC commercialisés
La présente section contient des informations sur les dispositifs implantables dans le corps
humain qui sont déjà commercialisés – au terme, pour certains, de recherches conduites sur des
Dispositifs médicaux actifs
L’histoire des dispositifs implantables en pratique clinique a commencé dans les années 1960,
avec la fabrication des premiers stimulateurs cardiaques, qui suppléent au battement automatique
du cœur. Ont suivi, dans les années 1980, des systèmes de stimulation vésicale permettant aux
personnes atteintes de paraplégie (paralysie des membres inférieurs résultant souvent d’une
lésion de la moelle épinière) de contrôler leur miction. Derniers exemples d’implants actifs
produisant une stimulation électrique fonctionnelle, des stimulateurs sont utilisés pour soulager
les patients atteints de tumeurs, atténuer les tremblements causés par la maladie de Parkinson et
restaurer la fonction de préhension chez les personnes atteintes de quadriplégie (paralysie des
bras, des jambes et du tronc en dessous de la lésion de la moelle épinière). Dans la liste des
implants classiques, il convient de citer:
les stimulateurs cardiaques, destinés aux patients souffrant de troubles de la conduction ou
les implants cochléaires, qui diffèrent des aides auditives en ceci qu’ils n’amplifient pas les
sons, mais contournent la partie endommagée de la cochlée pour transmettre directement
l’implant auditif du tronc cérébral: cette prothèse auditive indépendante de la cochlée et du
nerf auditif est destinée aux personnes ne pouvant bénéficier d’un implant cochléaire en
raison du dysfonctionnement du nerf auditif. Elle stimule directement le noyau cochléaire,
les pompes d’administration de médicaments programmables et implantables:
9 pompes d’administration de Baclofen pour les patients atteints de sclérose en
plaques avec spasticité grave (administration intrathécale, c'est-à-dire à l'intérieur du
9 pompes à insuline pour les diabétiques;
les dispositifs de neurostimulation implantables: le terme «neurostimulation» s’applique à
des technologies qui ne stimulent pas directement un muscle en tant que dispositifs de
stimulation électrique fonctionnelle (comme les stimulateurs cardiaques). Les technologies
de radiostimulation modifient plutôt l’activité électrique des nerfs:
9 stimulation de la moelle épinière pour la gestion de la douleur chronique;
9 stimulation du nerf sacré pour le traitement de l’incontinence urinaire réfractaire;
9 stimulation du nerf vague (SNV) pour le contrôle des crises d’épilepsie ou le
contrôle de l’humeur dans les cas de dépression grave;
la stimulation cérébrale profonde (SCP):
9 pour le contrôle des tremblements chez les patients atteints de la maladie de Parkinson;
9 dans le cas des tremblements essentiels: les patients concernés ne présentent
aucun autre symptôme que ces tremblements, qui peuvent toucher les mains, la tête,
les jambes, le tronc ou la voix. Comme les personnes atteintes de la maladie de
Parkinson, ces patients peuvent être aidés par la stimulation cérébrale profonde;
la jambe artificielle commandée par microprocesseur: la société allemande Otto Bock
Healthcare GmbH a mis au point une prothèse appelée «C-Leg®», qui est une jambe
artificielle commandée par microprocesseur.
Dispositifs d’identification et de localisation
Les dispositifs à puce se présentent sous trois formes:
à lecture seule: il s’agit de la forme la plus simple de dispositifs à puce, similaire à celle
aujourd’hui utilisée pour l’identification des animaux. Même ce procédé élémentaire a de
nombreuses applications potentielles, par exemple le repérage des personnes atteintes de
la maladie d’Alzheimer, mineures ou inconscientes. Plus largement, il pourrait être utilisé
comme une sorte de carte nationale d’identité, fonctionnant avec un numéro d’identification
à lecture/écriture: le type de puce utilisé contient une série d'informations, qui peut être
complétée si nécessaire. La puce permet l’enregistrement de données et elle est
programmable à distance. À supposer, par exemple, qu’elle contienne le dossier médical
d’une personne et que ce dossier médical évolue, les informations correspondantes
pourraient être ajoutées sans qu'il soit pour cela nécessaire de retirer l'implant. Les puces à
lecture/écriture pourraient également faciliter et permettre l’enregistrement des transactions
financières. Le troisième type d’informations importantes qu’elles pourraient contenir serait
avec fonction de localisation: outre les fonctions de lecture/écriture décrites ci-dessus,
certains dispositifs peuvent également émettre un signal radio localisable. Là encore, les
applications potentielles sont nombreuses, comme en témoignent les technologies moins
sophistiquées qui existent déjà. Les dispositifs avec fonction de localisation dépendent
d’une source d’énergie qui devrait être miniaturisée pour rendre l’implantation possible.
Avec un tel implant, un suivi constant deviendrait possible: si chaque puce implantée
émettait un signal sur une fréquence d’identification unique, les porteurs pourraient être
localisés par simple appel du bon signal. Le récepteur étant mobile, cette localisation serait
Dans la liste des dispositifs classiques, il convient de citer:
les dispositifs d’identification de fréquence par radio (radio frequency identification (RFID) tags): des millions de RFID se sont vendues depuis le début des années 1980. Cette
technologie est utilisée pour l'identification du bétail, des animaux de compagnie, des
animaux de laboratoire et des espèces menacées. Elle ne contient ni produit chimique, ni
batterie. La puce ne se décharge jamais et a une espérance de vie de 20 ans;
la puce VeriChip™ ou «code barre humain»: la puce VeriChip™ (www.4verichip.com) est
une RFID sous-cutanée, de la taille d’un grain de riz environ, qui s’implante dans le tissu
adipeux en dessous du triceps. Ses applications actuelles sont notamment les suivantes:
9 dossier médical et informations sur l’état de santé du porteur (groupe sanguin, terrains
9 données personnelles/identification: au Baja Beach Club (en Espagne et aux
Pays-Bas, http://www.baja.nl), la puce VeriChip™ est utilisée comme une carte
intelligente permettant d'accélérer les commandes de boissons et leur paiement;
9 informations financières (vérification secondaire).
Les applications pourraient en outre s’étendre à la sécurité des transports publics, à l’accès
aux bâtiments ou installations sensibles et au suivi des personnes en liberté conditionnelle
(anciens condamnés, criminels, etc.). Actuellement, le porteur doit se tenir à une courte
distance d’un scanner pour que la puce soit «réveillée». Par conséquent, celle-ci ne permet
de suivre ses déplacements qu’à proximité du scanner. Pour le moment, la puce
VeriChip™ n’est donc pas un système implantable de positionnement par satellites.
la société bavaroise Ident Technology (http://www.ident-technology.com) propose des
dispositifs utilisant le corps humain (en particulier la peau) comme transmetteur de
implant télécommandé de déclenchement de l'orgasme féminin: le brevet d’un dispositif
déclenchant un orgasme par simple pression sur un bouton a été déposé aux États-unis en
3.1.2. Recherche sur les implants TIC Dispositifs médicaux
Les biocapteurs: les biocapteurs ou microsystèmes électromécaniques (MEMS, selon
l’acronyme anglais) sont des capteurs implantés dans le corps humain pour un suivi précis
de certaines parties inaccessibles. Organisés en réseau, ils contrôlent de manière
collective l’état de santé de leur hôte. Cela va de la collecte de données sur des
paramètres physiologiques comme la pression sanguine ou le taux de glucose à la prise de
décisions fondées sur ces données (par exemple, le corps médical sera averti d’un
Les données à transmettre sont des informations médicales fondamentales qui, en vertu de
la loi, doivent être protégées au regard de leur confidentialité. En conséquence, les
technologies de l’information représentent une composante essentielle des implants
biologiques concernés: en termes de recherche, de mémoire et de capacités de calcul, les
enjeux pour la recherche sont importants.
Diverses applications biomédicales sont possibles. À titre d’exemple, on peut citer
l’implantation de capteurs dans le cerveau de patients atteints de la maladie de Parkinson
ou épileptiques, l’implantation d’un ensemble de capteurs acoustiques ou optiques à des
fins d’analyse sanguine ou encore l’implantation de capteurs dans le corps de malades
cancéreux en phase de guérison en vue de détecter les éventuelles cellules cancéreuses.
L’hippocampe artificiel: l’implantation dans le cerveau d’une puce capable de restaurer ou
d’améliorer la mémoire est un autre exemple de future prothèse cérébrale. L’hippocampe
joue un rôle essentiel dans l’enregistrement des souvenirs. Contrairement à des dispositifs
comme les implants cochléaires, qui stimulent simplement l’activité cérébrale, la puce en
question exécutera les mêmes processus que la partie endommagée du cerveau qu’elle
remplacera. C’est une voie prometteuse pour les personnes dont le cerveau a été
endommagé par une attaque, une épilepsie ou la maladie d’Alzheimer.
L’implant cortical destiné aux aveugles: on sait, depuis des années, qu’une stimulation
électrique de l’œil produit des phosphènes permettant la perception visuelle. Avec l’implant
cortical, les informations enregistrées par une petite caméra numérique seraient transmises
à des électrodes implantées dans le cortex visuel, sans passer par la rétine ou le nerf
L’implant oculaire ou rétine artificielle: d’autres chercheurs se concentrent sur de nouvelles
technologies qui se substitueraient à la rétine, soit la couche de cellules photosensibles de
l’œil, lorsque celle-ci est endommagée.
Une prothèse rétinienne implique de stimuler électriquement les neurones rétiniens situés
en arrière de la couche réceptrice via des signaux (lumineux) émis par une microcaméra
numérique. Une telle stimulation est possible à condition que la rétine interne et le nerf
optique soient toujours intacts. En fait, deux voies sont actuellement explorées par la
recherche sur les prothèses rétiniennes: l’implant sous-rétinien et l’implant épirétinien.
Les interfaces cerveau-ordinateur (BCI, selon l’acronyme anglais) ou contrôle cérébral
direct: les technologies ci-dessus sont des technologies de la communication. Elles
collectent certaines informations produites par le cerveau et les externalisent. Il existe aussi
des technologies d’internalisation (comme les implants cochléaires ou du nerf optique),
dont l’objectif est de recueillir des informations externes et de les rendre intelligibles pour
l’individu. À terme, ces deux types de technologies seront combinés pour donner naissance
à des systèmes interactifs permettant l’échange d’informations dans les deux sens. Avec
de tels systèmes, il deviendrait possible d’utiliser directement les signaux émis par le
cerveau à des fins de communication et de maîtrise du mouvement.
Même si les études réalisées sur le corps humain démontrent la faisabilité d’une telle
utilisation des signaux cérébraux à des fins de commande et de contrôle d’appareils
externes, les chercheurs soulignent que de nombreuses années de développement et de
tests cliniques seront encore nécessaires avant que des dispositifs ad hoc – y compris les
neuro-prothèses pour les personnes paralysées – ne soient disponibles.
Appareils de surveillance ou de localisation
Les appareils électroniques portables de localisation des humains: ces appareils peuvent
permettre à quiconque possède un récepteur d'établir la position des porteurs partout dans
Le système de positionnement par satellites sous-cutané: en mai 2003, la société
américaine Applied Digital Solutions (ADS) (http://www.adsx.com) a déclaré qu’un implant
prototype de localisation par satellites avait été testé avec succès. Des experts techniques
se demandent cependant s’il peut réellement fonctionner. Le «dispositif de localisation
personnelle» se présente, en effet, sous la forme d’un disque de 6,35 centimètres de
diamètre et de 1,27 centimètre d’épaisseur – soit environ la taille d’un stimulateur
cardiaque. Ce système de suivi par satellites pourrait être utilisé à diverses fins, par
exemple en cas d'urgence médicale (crise cardiaque, épilepsie ou diabète) ou à des fins
d'identification et de localisation (des personnes occupant un emploi à haut risque, des
enfants, des psychotiques ou des terroristes présumés).
Dispositifs d’amélioration des capacités fonctionnelles ou «de confort»
Les informaticiens ont annoncé que, dans les vingt prochaines années, des interfaces neuronales
seraient conçues qui non seulement augmenteraient la gamme dynamique des sens, mais
amélioreraient aussi la mémoire et permettraient la «cyber-pensée» – c'est-à-dire la
communication invisible avec les autres.
l’implant prothétique cortical («amplificateur» sensoriel ou d’intelligence): initialement conçu
pour les aveugles, l’implant cortical permettra aux porteurs «sains» d’avoir en permanence
accès à des informations transmises par ordinateur, sur la base soit des images captées
par une caméra numérique, soit d’une interface constituée d'une «fenêtre» artificielle;
la vision artificielle: selon de récents travaux de recherche qui portaient sur le
développement d’une rétine artificielle, il sera un jour possible de voir dans l'infrarouge. La
vidéo-caméra normale pourra alors être remplacée par une caméra infrarouge;
l’implant téléphonique dentaire ou téléphone dentaire: conçu en 2002, l’implant
téléphonique dentaire n’existe encore qu’à l’état de prototype. Un microvibrateur et un
récepteur d'ondes basse fréquence sont implantés dans une dent au cours d'une banale
opération de chirurgie dentaire. La dent opérée peut alors communiquer avec toute une
série d’appareils numériques (téléphones portables, radios et ordinateurs). Le son est
transféré à l'oreille interne par résonance osseuse. La réception étant absolument
indétectable, des informations peuvent être reçues n’importe où, n’importe quand;
l’hippocampe artificiel: ainsi qu’on l’a déjà mentionné, cette puce artificielle pourrait
3.2. Autres applications potentielles
Parmi les autres applications potentielles des implants TIC, il convient de citer:
le brevet Microsoft n° 6 754 472 (du 22 juin 2004), qui fait du corps humain un transmetteur
de données (et d'énergie) à «d'autres appareils», tels qu’assistants numériques
personnalisés, téléphones cellulaires, appareils médicaux (à des fins de surveillance, par
exemple dans des maisons de retraite) et RFID, qui permettent la localisation de
personnes. Dans le cadre d’un site web familial, les enfants pourraient ainsi se connecter
au système de surveillance pour voir ce que font leurs parents ou grands-parents. Le
brevet ne contient pas de description d’applications spécifiques;
les «armes intelligentes»: la société Applied Digital Solutions (ADS), qui a créé la puce
VeriChip™, a annoncé en avril 2004 la conclusion d'un partenariat avec la fabrique
d'armement FN Manufacturing, en vue de la production d’armes à feu dites «intelligentes».
Ces armes ne peuvent tirer que si elles sont actionnées par leur propriétaire, auquel est
3.3. Le sixième programme-cadre de recherche et développement (PC6) «La priorité TSI [Ndt: en matière de technologies de la société de l’information] du 6e programme-cadre (PC) poursuit … l'objectif d'assurer la prééminence de l'Europe dans les technologies génériques et appliquées qui sont au cœur de l'économie de la connaissance. Il vise à accroître l'innovation et la compétitivité des entreprises et des industries européennes et à contribuer à une augmentation du bien-être de tous les citoyens européens.La priorité TSI dans le 6e PC se concentre sur les technologies de la prochaine génération, qui intégreront ordinateurs et réseaux dans l'environnement quotidien et rendront accessibles, par l'intermédiaire d'interfaces utilisateurs conviviales, une multitude de services et d'applications. Cette vision de "l'intelligence ambiante" place l'utilisateur, l'individu, au centre des progrès futurs d'une société de la connaissance dont personne ne devra être exclu.14» Exemples de projets financés par le PC6
Développement de matériels et capteurs nanoscopiques et de microsystèmes pour implants
médicaux destinés à améliorer l’état de santé et la qualité de vie
Ce projet prévoit le développement de microsystèmes fondés sur les technologies de la
communication en vue, d’une part, d’introduire directement certaines informations dans le corps
humain sous la forme d’implants médicaux et systèmes ambulatoires de mesure et, d’autre part,
de transmettre d’autres informations à l’environnement extérieur. L’objectif global est de
développer les technologies nécessaires à la fabrication d’un microsystème, puis de fabriquer des
dispositifs médicaux spécifiques exploitant ces technologies. Au final, les dispositifs médicaux
visés incluent implants cochléaires et rétiniens, systèmes de stimulation nerveuse, de contrôle
vésical et de contrôle de la pression sanguine. Sur la base des statistiques disponibles, on estime
qu’environ 50 % de la population occidentale, soit près de 500 millions de personnes, souffrira de
l'un au moins des problèmes de santé ciblés par le projet.
Le projet OPTIVIP (Optimization of the Visual Implantable Prosthesis)
Le projet OPTIVIP poursuit deux objectifs: l’optimisation d’une prothèse visuelle implantable
fondée sur la stimulation du nerf optique et la démonstration de son fonctionnement dans le cadre
Les questions éthiques sont ici examinées dans le cadre de tâches-projet spécifiques, dont le but
est de recueillir les réactions de la communauté des aveugles, et notamment des patients et de
leurs représentants. Divers aspects de la prothèse (fonctionnement, apparence, éthique) sont
couverts, ce qui est essentiel pour orienter les efforts de recherche en fonction des besoins réels.
4. CADRE JURIDIQUE 4.1. Principes généraux
Le caractère nouveau des questions abordées dans le présent avis rend difficile l’édiction de règles
spécifiquement applicables aux dispositifs TIC implantables dans le corps humain. Le cadre juridique
devrait, par conséquent, découler des principes généraux sous-tendant les législations nationales et
les instruments de droit international en vigueur. Ces principes généraux peuvent, en effet, nous
fournir les orientations dont nous avons besoin pour définir dans leurs grandes lignes les normes
juridiques nécessaires à la réglementation d’une technologie qui, du fait qu’elle modifie le corps
14 Priorité TSI du 6e programme-cadre pour 2003 et 2004: http://www.cordis.lu/ist/workprogramme/fr/2_2.htm
humain et sa relation à son environnement, a un profond impact sur l’identité personnelle et sur la
vie. Ils sont énoncés dans des textes portant sur différents thèmes: de la bioéthique au traitement
électronique des informations, des limites au consentement à la définition des dispositifs médicaux.
Pour ce qui concerne le cadre juridique européen, il convient d’attacher une importance
particulière à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, aujourd’hui intégrée à la
partie II du traité établissant une Constitution pour l’Europe. Cette charte consacre les principes
généraux de dignité, de liberté, d’égalité, de solidarité, de citoyenneté et de justice, ainsi que
d’intégrité et d’inviolabilité de la personne, en mettant notamment l’accent sur le consentement
éclairé (article 3) et la protection des données à caractère personnel (article 8). Les questions de
protection des données à caractère personnel sont développées dans les directives 95/46/CE
et 2002/58/CE. Par ailleurs, l’article 174 du traité CE et, de façon plus détaillée, la communication
de la Commission du 2 février 2000 (COM(2000)1 final)15 font expressément référence au
principe de précaution. Enfin, les dispositifs médicaux actifs sont définis et réglementés par la
Parmi les instruments de droit international, la Convention sur les droits de l’homme et la
biomédecine adoptée par le Conseil de l’Europe en 1997 et la Déclaration universelle sur le
génome humain et les droits de l'homme adoptée par l’Unesco la même année sont
particulièrement importantes, au regard notamment du respect de la dignité et de l’intégrité de la
personne et du principe du consentement éclairé. Des orientations importantes sont également
fournies par les points 58 et 59 de la Déclaration de principes du Sommet mondial sur la société
de l’information, qui soulignent la nécessité de veiller à ce que l’utilisation des TIC soit toujours
respectueuse des droits de l'homme et de la vie privée.
Les chartes constitutionnelles et législations nationales contiennent également des dispositions
relatives au respect de la dignité humaine, à la protection de l’intégrité physique et de la santé et
au consentement éclairé, ainsi qu’en matière de transplantation.
Enfin, un certain nombre de décisions administratives et judiciaires traitent directement ou
indirectement des questions examinées dans le présent avis, tels l'arrêt rendu par la Cour de
justice des Communautés européennes le 12 octobre 2004 dans l’affaire C-36/02,
Omega/Oberbürgermeister16et l’ordonnance rendue par la Food and Drug Administration
américaine concernant les tests de la puce VeriChip à des fins d’applications médicales.
15 http://europa.eu.int/comm/dgs/health_consumer/library/pub/pub07_fr.pdf 16http://curia.eu.int/jurisp/cgi-
bin/form.pl?lang=fr&Submit=Rechercher&alldocs=alldocs&docj=docj&docop=docop&docor=docor&docjo=docjo&num
aff=C-36%2F02&datefs=&datefe=&nomusuel=&domaine=&mots=&resmax=100
Au total, il est possible de tirer de ces instruments un certain nombre de principes sur lesquels
asseoir le cadre juridique et à l’aune desquels la légalité des implants TIC dans le corps humain
4.2. Dignité humaine
La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne énonce, en tout premier lieu, le
principe de la dignité humaine. Son article 1er dispose que «la dignité humaine est inviolable».
Inspirée de la Loi fondamentale allemande, cette disposition est également conforme à la
déclaration contenue dans le préambule de la charte, selon laquelle l’Union «place la personne au cœur de son action». Ce principe a été consacré comme limite absolue dans l’arrêt Omega, par
lequel a été jugée légale la décision des autorités allemandes interdisant un jeu appelé «Jouer à tuer», considéré comme «mena(çant) l'ordre public … du fait que, selon la conception prévalant dans l'opinion publique, l'exploitation commerciale de jeux de divertissement impliquant la simulation d'actes homicides porte atteinte à une valeur fondamentale consacrée par la constitution nationale, à savoir la dignité humaine».
L’importance de cet «affront à la dignité humaine» est telle qu’elle légitime non seulement une
interdiction restreignant la liberté d'entreprise, mais fixe encore une limite à la liberté de choix
individuelle, en excluant que le consentement éclairé du joueur puisse être considéré comme
suffisant pour faire du jeu en cause un objet socialement et légalement acceptable. Il conviendrait
ainsi de considérer le principe de la dignité humaine comme un instrument permettant de
déterminer les cas dans lesquels le corps humain est absolument «inviolable».
Dans la jurisprudence allemande bien connue relative à la loi sur le recensement, il est dit
précisément que «la valeur et la dignité de la personne, en tant que membre autodéterminé d’une société libre, sont au cœur de l’ordre institutionnel» (arrêt du Bundesverfassungsgericht
du 15 décembre 1983). Cette affirmation est conforme aux orientations clairement énoncées en
préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 ainsi qu’à son article 1er,
qui fait expressément référence à la dignité comme composante essentielle de l’être humain et
comme condition de sa liberté et de l’égalité des droits. S’agissant des expériences
constitutionnelles plus récentes, il suffira de mentionner l’article 16 du Code civil français ou
l’article 2 du Code italien relatif à la protection des données, qui font aussi expressément
référence à la dignité. Il en va de même d’instruments de droit international comme la Déclaration
d’Helsinki (1964), la Convention du Conseil de l’Europe sur les droits de l'homme et la
biomédecine (1997), qui réaffirme en tout premier lieu le principe de la dignité humaine, et la
Déclaration universelle de l’Unesco sur le génome humain (1997). Enfin, l’article 1er de la Charte
des droits fondamentaux de l’Union européenne (2000) dispose que «la dignité humaine est inviolable» et qu’«elle doit être respectée et protégée».
On peut en conclure que la dignité est une valeur universelle, fondamentale et incontournable,
même s’il faut toujours la replacer dans son contexte culturel spécifique. Aujourd’hui, cette
conclusion est étayée par le fait que le terme revient avec une fréquence toujours accrue dans les
instruments adoptés par les organisations internationales représentatives de toutes les cultures
mondiales, comme l’Unesco (de fait, il apparaît quinze fois dans la Déclaration universelle sur le
génome humain). De ce point de vue, la dignité est appelée à devenir un concept interculturel. Il
ne faut cependant pas oublier que les références au terme sont aussi teintées d’ambiguïté:
celui-ci est employé aussi bien pour exprimer la nécessité d’un respect absolu de l’autonomie et
des droits de la personne que pour justifier une volonté de contrôle des individus et de leur
comportement au nom de valeurs qu’on entend imposer à d’autres. En outre, l’article 1er de la
Charte des droits fondamentaux dispose que la dignité doit non seulement être «respectée», mais
aussi «protégée» – selon le modèle de la Loi fondamentale allemande. Autrement dit, les
autorités publiques sont tenues non seulement de s’abstenir d’intervenir dans la vie privée des
individus, mais aussi de prendre activement toute mesure nécessaire pour créer les conditions qui
leur permettront de vivre dans la dignité.
4.3. Inviolabilité de la personne
Le principe d’inviolabilité du corps humain et d’intégrité physique et psychologique, tel qu’énoncé
à l’article 3 de la Charte des droits fondamentaux, exclut toute activité susceptible de
compromettre tout ou partie de cette intégrité – même avec le consentement du sujet. Selon la
définition qu’en donne l’OMS, «la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité». La réalité dont il
est ici question est cependant différente, puisque l'intégrité n'est pas considérée comme
absolument inviolable – la notion d’inviolabilité renvoyant aux interventions causant une
«diminution permanente» des fonctions corporelles (conformément à l’article 5 du Code civil
italien) ou contraires à l’ordre public et/ou à la morale.
Ceci s’applique notamment au cadre régissant l’appréciation de la légalité des dons d’organe, qui
est limitée aux cas de perte d’une fonction corporelle essentielle. On pourrait être amené à en
conclure qu'il convient de ne pas se référer au principe d'intégrité lorsque des fonctions
corporelles sont effectivement restaurées et/ou améliorées. Par ailleurs, la liberté d’user de son
corps est spécifiquement limitée par les nombreuses dispositions en vertu desquelles il est interdit
de faire du corps humain et de ses parties et/ou produits une source de profit (article 3 de la
Charte des droits fondamentaux; article 21 de la Convention sur les droits de l’homme et la
biomédecine; article 4 de la Déclaration universelle de l'Unesco). Une interprétation large de ces
principes de non-commercialisation et de non-instrumentalisation pourrait pousser à conclure que
l’implantation de dispositifs TIC à des fins qu’on pourrait généralement qualifier de mercantiles
(par exemple, l’accès à une discothèque à des conditions préférentielles) ne devrait pas être
4.4 Protection de la vie privée et des données à caractère personnel
L’idée selon laquelle les individus ne sont pas libres de faire n’importe quel usage de leur propre
corps est confirmée, quoique indirectement, par l’article 8, paragraphe 2, de la directive 95/46/CE
relative à la protection des données à caractère personnel. Selon cette disposition, l’État peut
prévoir que le consentement exprès d’une personne ne suffit pas pour permettre à un tiers
d’utiliser les «données sensibles» la concernant – sur sa vie sexuelle, ses opinions, sa santé, son
origine ethnique –, mais doit être assorti d’une autorisation ad hoc délivrée, par exemple, par une
autorité de surveillance (voir l’article 26 du Code italien relatif à la protection des données à
caractère personnel). L’objectif est de protéger la partie la plus sensible du «corps électronique»
en empêchant la personne concernée d’y donner elle-même un accès susceptible de
D’un point de vue plus général, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne a établi
une distinction entre le respect de la vie privée et familiale (article 7) et la protection des données
à caractère personnel (article 8), devenu en conséquence un droit individuel distinct. On a ainsi
affaire à un type de protection qui, d’une part, s'oppose à toute intrusion dans la sphère privée et,
d'autre part, confère à chaque individu le droit à l'autodétermination informationnelle – y compris
le droit de rester maître des informations le concernant. C’est là un véritable cas de
«constitutionnalisation de l’individu», qui impose le respect du corps tant physique
qu’électronique. Plus spécifiquement, la protection des données à caractère personnel est
fondée, dans l’Union européenne, sur la directive 95/46/CE17 et la directive 2002/58/CE18. Cette
dernière directive contient également des dispositions concernant spécifiquement la localisation
des individus. L’ensemble de principes et de règles applicables à la protection des données à
caractère personnel est actuellement partagé par tous les États membres de l’Union européenne
17 Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des
personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, JO L 281 du 23.11.1995, pp. 31 à 50. 18 Directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 2002, concernant le traitement des
données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques
(directive vie privée et communications électroniques), JO L 201 du 31.7.2002, pp. 37 à 47.
ainsi que par plusieurs autres États qui – du Canada à l’Australie, du Japon à nombre de pays
d’Amérique latine – ont avalisé une norme élevée en la matière prévoyant, avant toute chose, la
fourniture d’informations détaillées à la personne concernée, assortie de son consentement
explicite. Par conséquent, tout type d’implant TIC devrait préalablement faire l’objet d’une
évaluation stricte visant à apprécier son impact sur la vie privée.
4.5. Le principe de précaution
Le principe de précaution n’impose pas la définition de limites ou d’interdits absolus. C’est un
instrument général de gestion des risques, initialement restreint aux questions
environnementales. Dans sa communication de février 2000, la Commission souligne: «Le principe de précaution n'est pas défini dans le Traité, qui ne le prescrit qu'une seule fois – pour protéger l'environnement. Mais, dans la pratique, son champ d'application est beaucoup plus vaste, plus particulièrement lorsqu'une évaluation scientifique objective et préliminaire indique qu'il est raisonnable de craindre que les effets potentiellement dangereux pour l'environnement ou la santé humaine, animale ouvégétale soient incompatibles avec le niveau élevé de protection choisi pour la Communauté» (résumé, paragraphe 3). La Commission estime en conséquence
que «le principe de précaution est un principe d'application générale» (section 3), dont la portée
dépasse l’Union européenne – comme en témoignent plusieurs instruments de droit international,
à commencer par la Déclaration sur l'environnement et le développement, adoptée à Rio de
Les conditions préalables fondamentales pour l’application du principe de précaution sont
l’existence d’un risque, la possibilité d’un dommage et une incertitude scientifique concernant la
survenance de ce dommage. Une fois le principe de précaution invoqué, il incombe au
gestionnaire du risque de décider de mesures préventives qui soient proportionnées à l’objectif
d’atténuation du dommage potentiel, sans viser à créer une situation de «risque zéro». Les
mesures de gestion du risque doivent servir à déterminer le «niveau de risque acceptable» au
regard des valeurs en jeu – le respect du corps humain étant incontestablement l'une des valeurs
appelant le plus haut degré de protection juridique. Cependant, même s’il procède d’exigences
fondamentales, le principe de précaution relève plus d’une question «de forme» que «de fond».
En d’autres termes, il n’est pas appliqué pour évaluer une innovation en soi, mais pour en
apprécier les effets. En l’absence d’effets négatifs constatés, ou si les dispositifs de mise en
œuvre sont modifiés, une innovation scientifique ou technologique donnée peut être jugée
acceptable. Le principe de précaution est donc un outil dynamique, qui permet de suivre
l’évolution d’un secteur et de vérifier en permanence que les conditions d’acceptabilité de telle ou
telle innovation restent remplies – renforçant ainsi la gouvernance de ce qu'il est convenu
Les risques inhérents aux implants TIC ont été soulignés par la Food and Drug Administration
américaine dans l’ordonnance qu’elle a rendue sur la puce sous-cutanée «VeriChip»: «réaction tissulaire; migration du transpondeur implanté; sécurité des informations compromise; défaillance du transpondeur implanté; défaillance de l’applicateur; défaillance du scanner électronique; perturbations électromagnétiques; risques électriques; incompatibilité avec l’imagerie par résonance magnétique; et blessure par l’aiguille». Au vu d’une liste aussi détaillée de risques
potentiels, on peut s'étonner que les tests en vue d'un usage médical aient été autorisés! Une
telle autorisation aurait peut-être été refusée si le principe de précaution avait été appliqué à ces
4.6. Minimisation des données, spécification de la finalité, principe de proportionnalité et de pertinence
Il convient également d’attacher une importance particulière aux principes de minimisation des
données, de spécification de la finalité, de proportionnalité et de pertinence. Ces principes
n’intéressent pas la légalité de l’utilisation des différentes TIC, mais plutôt les conditions
spécifiques de cette utilisation – c’est-à-dire le contexte dans lequel les TIC sont utilisées.
Il est expressément fait référence au principe de minimisation des données à l’article 16,
paragraphe 2, du Code civil français par exemple, qui dispose qu’«il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité pour la personne». Objectivement, cela signifie
qu’il ne faudrait recourir à un instrument donné que si l’objectif poursuivi ne peut être atteint par
un moyen moins «invasif». On retrouve essentiellement là le principe de «minimisation» énoncé
dans les dispositions d’un certain nombre de lois sur la vie privée, telles que l'article 3, point a), de
la Bundesdatenschutzgesetz allemande ou l’article 3 du Code italien relatif à la protection des
données. Subjectivement, le principe de minimisation des données postule l’existence d’un état
de santé auquel il ne peut être remédié sauf recours à un instrument spécifique, qui se révèle
Le principe de spécification de la finalité suppose de sélectionner les objectifs à atteindre. Par
exemple, la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine dispose qu’il ne peut être
procédé à des tests prédictifs de maladies génétiques «qu'à des fins médicales ou de recherche médicale» (article 12). Fondamentalement, une relation est ainsi établie entre circonstances
spécifiques, instruments disponibles et valeurs de référence: seuls les instruments qui, dans un
contexte donné, répondent au critère de compatibilité avec ces valeurs peuvent être légalement
Le principe de proportionnalité est également fondé sur la relation entre l’instrument à utiliser et
l’objectif poursuivi. Ici, l’accent n’est toutefois pas mis sur la nature de l'objectif en question, mais
sur le caractère proportionné de l'instrument mis en œuvre. Autrement dit, même si l'objectif est
en soi légitime, il ne peut être poursuivi par le recours à un instrument disproportionné. En fait, la
communication susmentionnée de la Commission lie expressément les principes de précaution et
de proportionnalité lorsqu’elle indique: «une interdiction totale peut ne pas être dans tous les cas une réponse proportionnée à un risque potentiel. Cependant, dans certains cas, elle peut être la seule réponse possible à un risque donné.»
Quant au principe de pertinence, expressément énoncé à l’article 6 de la directive 95/46/CE, il
peut aussi être appliqué aux implants TIC. Selon ce principe, une technologie donnée peut être
légalement utilisée dès lors qu’elle entretient un rapport étroit et sans ambiguïté avec la situation
considérée. L’idée est de prévenir les abus et/ou les applications inappropriées des technologies
En définitive, tous ces principes se complètent: une fois établie l’existence d’un objectif légitime
justifiant l'utilisation d'un implant TIC, il convient de déterminer si cet implant est effectivement
nécessaire et si les instruments utilisés (ou à utiliser) sont pertinents et proportionnés.
4.7. Autonomie et limites à imposer aux implants TIC
Les limites qu’il convient d’imposer aux implants TIC dans le corps humain, telles qu’elles
découlent de l’analyse des principes contenus dans différents instruments juridiques, doivent en
outre être évaluées à l’aune des règles et principes généraux concernant l’autonomie de
l’individu, dans le sens – ici – de la liberté de disposer de son corps (pour citer un slogan bien
connu: «je suis maître de mon corps»), de la liberté de choix concernant sa propre santé et de la
liberté par rapport à tout contrôle ou à toute influence externe.
Concernant la liberté de disposer de son corps, les considérations relatives aux principes
d’intégrité et d’inviolabilité restent valables – eu égard, notamment, à l’exigence de consentement.
En réalité, le consentement est une condition nécessaire, mais non suffisante, pour légitimer
l’utilisation d’un implant – qui, dans tous les cas, ne devrait jamais avoir lieu contre le gré et/ou à
Pour ce qui est de la liberté de choix en matière de santé, le patient a toujours le droit de
s’opposer à un implant ou de se le faire retirer si l'opération est techniquement possible – sans
préjudice de l'exigence de consentement éclairé, ni du droit de refuser un traitement médical.
Quant à la liberté par rapport à tout contrôle ou à toute influence externe, la question de
l'autonomie de l’individu revêt une importance particulière au regard du droit d’exclure tout
conditionnement ou tout exercice d’une influence sur le comportement d’une personne par des
entités gérant des liens électroniques – dès lors que ceux-ci aboutissent à une connexion
permanente avec des entités externes. Même en l’absence de connexion permanente de ce type,
il convient de tenir compte du fait que les implants TIC peuvent permettre:
la localisation occasionnelle ou continue des porteurs;
la modification à distance, à leur insu, des informations qui y sont contenues.
Ces risques vont très certainement se renforcer avec l’adoption de normes techniques
harmonisées, qui pourraient permettre à d’autres entités que les porteurs et les organes gérant
légalement le dispositif ou la connexion concerné(e) de lire et de modifier les données. Ces deux
cas de figure sont clairement contraires aux règles de protection des données relatives à la
collecte et au traitement des informations. En particulier, toute «réécriture» des données a un
impact sur le droit au respect de l’identité personnelle, expressément reconnu par l’article 1er de
4.8. Remarques conclusives
Pour ce qui concerne le cadre juridique, il convient de noter que:
l’existence d’un risque sérieux reconnu, bien qu’incertain, inhérent même aux formes les
plus simples de dispositifs TIC implantables dans le corps humain, rend nécessaire
l’application du principe de précaution. À cet égard, il convient en particulier de distinguer
implants actifs et passifs, réversibles et irréversibles, hors ligne et en ligne;
le principe de spécification de la finalité commande d'opérer au moins une distinction entre
applications médicales et non médicales. Mais les applications médicales devraient, elles
aussi, faire l’objet d’une évaluation stricte et sélective, visant notamment à empêcher
l’invocation de la finalité médicale comme un moyen de légitimer d’autres types
en vertu du principe de minimisation des données, il convient de ne pas légaliser les
implants TIC visant exclusivement à permettre l’identification des porteurs, dès lors
qu’existent des substituts moins invasifs et tout aussi sûrs;
en vertu du principe de proportionnalité, il convient de ne pas légaliser les implants TIC
visant exclusivement, par exemple, à faciliter l’accès à des locaux publics;
en vertu du principe d’intégrité et d’inviolabilité du corps humain, le consentement de la
personne concernée n’est pas suffisant pour permettre le recours à tout type d’implant;
le principe de dignité proscrit toute transformation du corps humain en un objet susceptible
d’être manipulé et contrôlé à distance – soit en une simple source d’informations.
Eu égard à ces considérations, on pourrait conclure que, dans les circonstances actuelles,
nombre de dispositifs TIC implantables dans le corps humain, qu’ils existent déjà ou ne soient
encore qu'envisagés, ne sont pas admissibles sur le plan légal, sous réserve des cas
exceptionnels exposés ci-dessous (voir la section 6.4.6).
5. CONTEXTE ÉTHIQUE
Notre société contemporaine est confrontée à des changements qui touchent à l’essence
anthropologique des individus. Un changement progressif est à l’œuvre: après leur mise en
observation par vidéosurveillance et biométrie, les individus sont modifiés par divers dispositifs
électroniques, comme les puces sous-cutanées et les RFID, qui tendent de plus en plus à leur
mise en réseau. À terme, ils pourraient donc se trouver connectés en permanence et
reconfigurés, de façon à transmettre ou à recevoir des signaux permettant un traçage et une
détermination de leurs mouvements, de leurs habitudes et de leurs contacts. Il est certain qu’une
telle évolution modifierait l’autonomie des individus, sur le plan tant théorique que réel, et porterait
Parallèlement à cette érosion toujours plus grande des prérogatives individuelles (qui va jusqu’à
la transformation du corps humain), une attention croissante est toutefois portée à la question de
la dignité, sans oublier le fait, déjà mentionné, que la personne est au cœur de l’ordre
constitutionnel (voir le préambule et les articles 1er, 3 et 8 de la Charte des droits fondamentaux
de l’Union européenne et la partie du présent avis consacrée au cadre juridique, sections 4.2
5.1. Principes éthiques fondamentaux
Comme le soulignent les précédents avis du GEE, un certain nombre de conventions, de
déclarations et de chartes reconnues en Europe ainsi que la section du présent avis consacrée au
cadre juridique (section 4), les principes fondamentaux sont la dignité et l'intégrité de l'être
humain. De ces principes fondamentaux découle un ensemble de principes dérivés (énoncés
ci-dessous), pertinents dans le cadre du présent avis et étroitement corrélés les uns aux autres.
Dignité humaine (voir également la section 4.2)
Le traité établissant une Constitution pour l’Europe19, qui dispose que «la dignité humaine est inviolable» et qu’«elle doit être respectée et protégée» (article II-61), explique plus avant à cet
égard que «la dignité de la personne humaine n'est pas seulement un droit fondamental en soi, mais constitue la base même des droits fondamentaux» (déclaration concernant les explications
relatives à la Charte des droits fondamentaux). L’explication ci-dessus ne définissant toutefois pas
la dignité humaine au sens strict, plusieurs auteurs ont tenté de combler cette lacune. Selon l’un
d’entre eux20, la dignité humaine pourrait être définie comme «le haut statut moral que chaque être humain possède de façon unique. La dignité humaine est une réalité donnée, inhérente à l’essence humaine et qui ne dépend pas de capacités fonctionnelles variables en degré. (…) La possession de la dignité humaine entraîne certaines obligations morales immuables. Ces obligations incluent, pour ce qui est du traitement à réserver à tous les autres êtres humains, le devoir de préserver la vie, la liberté et la sécurité d'autrui et, envers le monde animal et la nature, une responsabilité de bonne administration».
Est ainsi planté le cadre essentiel dans lequel s’inscrivent les principes éthiques dérivés énoncés
ci-après, qui sont directement pertinents pour le présent avis sur les implants TIC:
non-instrumentalisation: commandement éthique selon lequel l’individu ne doit pas être
considéré simplement comme un moyen, mais toujours comme une fin en soi (voir
respect de la vie privée: principe éthique de non-ingérence dans la vie privée (Charte des
droits fondamentaux de l’Union européenne21, articles 7 et 8) (voir notamment les sections
non-discrimination: l'égalité de traitement est un droit, sauf raison justifiant une différence.
Largement accepté, ce principe renvoie ici essentiellement à la distribution des ressources
de santé (voir notamment la section 6.3.5);
consentement éclairé: principe éthique selon lequel un patient ne peut être soumis à un
traitement ou à des travaux de recherche sans son consentement libre et éclairé (voir
équité: principe éthique selon lequel tout le monde doit avoir accès aux avantages
19 JO C 310 du 16.12.2004, pp. 1 à 482. 20 William Cheshire, Ethics & Medicine, Volume 18:2, 2002.
principe de précaution: le GEE a souligné que les technologies modernes de l’information
et de la communication rendent l’être humain à la fois plus puissant et plus vulnérable.
L’éthique doit avoir pour objet de garantir le respect des libertés et droits individuels, et
notamment ici la confidentialité des données. Aussi le GEE a-t-il recommandé de faire de la
prudence un principe éthique général dans le cas des technologies de l’information et de la
communication. Ce principe impose l’obligation morale de procéder à une évaluation
continue des risques inhérents à toute technologie nouvelle dont l'impact n'est pas
totalement prévisible, comme les implants TIC dans le corps humain22. Une telle évaluation
suppose, en particulier, d’analyser les situations présentes et à venir dans lesquelles
l’utilisation de ces implants pourrait être considérée comme un risque potentiel, voire
comme une menace pour la dignité humaine ou d’autres principes éthiques. Il convient de
souligner qu’aucune étude scientifique sérieuse n’a été conduite concernant l’impact à long
terme des implants TIC sur la santé (voir la section 4.5 – cadre juridique – et la section
5.2. Conflits de valeurs
Il pourrait y avoir un conflit entre la liberté de chacun d’utiliser ses propres ressources
économiques pour se faire implanter un dispositif de nature à améliorer ses capacités physiques
et mentales et ce que la société dans son ensemble juge souhaitable ou acceptable sur le plan
éthique. Un autre conflit de valeurs pourrait opposer le fait de limiter la liberté des individus
dangereux en les soumettant à une surveillance et le renforcement de la sécurité des autres. La
liberté des chercheurs pourrait entrer en conflit avec l’obligation de préserver la santé des
personnes sujets de leurs recherches. Il pourrait en aller de même du souci de compétitivité
économique et de la défense d'autres valeurs économiques (comme la croissance) par rapport au
respect de la dignité humaine. Enfin, la liberté illimitée de certaines personnes pourrait mettre en
péril la santé et la sécurité d’autres personnes. Il convient donc de trouver un juste équilibre entre
des valeurs toutes légitimes dans notre culture.
Comme dans d’autres domaines, le principe de liberté lui-même – en l’occurrence, la liberté de se
faire implanter un dispositif TIC dans le corps – pourrait se heurter au risque de conséquences
sociales négatives. Dans ce cas, l’intervention de conseillers éthiques et un débat social et
politique pourraient se révéler nécessaires.
21 Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, JO C 364 du 18.12.2000, pp. 1 à 22. 22 Principe de précaution: article 174 de la version consolidée du traité instituant la Communauté européenne et
communication de la Commission sur le recours au principe de précaution (COM(2000)1 final du 2 février 2000).
La frontière entre réparer et améliorer n'est pas nette (même s’il existe des exemples clairs des
deux types d’applications). Il est néanmoins nécessaire de légiférer si l’on veut éviter une situation
dans laquelle la société deviendrait de plus en plus dépendante d’une technologie aussi intrusive
que les implants TIC pour assurer sa sécurité, alors même que, de par leur perfection technique,
ceux-ci pourraient avoir toutes sortes d’applications médicales utiles, ainsi que des applications
sociales légitimes. En conséquence, le GEE souligne la nécessité d’un débat global et continu sur
les types d’améliorations des capacités fonctionnelles qui devraient être autorisés – à quelles
conditions et dans quels cas (voir la section 6.4.4).
Un exemple particulier, qui remet en cause l’opinion selon laquelle il existe une norme générale
d’évaluation des capacités fonctionnelles de l’être humain, est celui des implants cochléaires chez
les enfants sourds. Les efforts déployés pour promouvoir cette technologie posent des questions
éthiques quant à son impact sur le porteur de l’implant et sur la communauté des sourds
(notamment ceux qui communiquent par langue des signes). Ils ignorent le problème de
l'intégration sociale du porteur de l’implant dans cette communauté et ne prêtent pas une
attention suffisante aux incidences psychologiques, linguistiques et sociologiques. Avant toute
chose, ils promeuvent une vision particulière de la «normalité». Du point de vue du GEE, la
question des implants cochléaires elle-même, l’analyse risques/avantages et le problème de
l’accès équitable aux soins doivent être encore approfondis (sans oublier la distinction entre
implants cochléaires unilatéraux et bilatéraux).
5.3. Quelques lacunes importantes dans la connaissance des implants TIC dans le corps
Il ressort clairement des sections précédentes que la connaissance des implants TIC présente
encore des lacunes majeures, qui intéressent autant les futurs programmes de recherche qu’elles
soulèvent des questions éthiques fondamentales. Ces lacunes sont notamment les suivantes:
Dignité, intégrité et autonomie de l’être humain
Dans quelle mesure les implants TIC peuvent-ils représenter une menace pour l’autonomie
de l’être humain, notamment lorsqu’ils sont placés dans le cerveau?
Dans quelle mesure peuvent-ils avoir un impact irréversible sur le corps humain et/ou sur le
psychisme, et comment la réversibilité peut-elle être préservée?
De quelle manière peuvent-ils influer sur la mémoire?
Un être humain cesse-t-il d’être « humain » lorsque certaines parties de son corps –
notamment au niveau du cerveau – sont remplacées et/ou complétées par des implants
TIC? En particulier, dès lors que les implants TIC peuvent servir à une «mise en réseau
des individus», qui seraient ainsi connectés en permanence et pourraient être reconfigurés
de façon à transmettre ou à recevoir des signaux permettant le traçage et la détermination
de leurs mouvements, de leurs habitudes et de leurs relations, la dignité humaine pourrait
Vie privée et surveillance
Dans quelle mesure les implants TIC peuvent-ils représenter une menace pour la vie
Dans quelle mesure pourraient-ils doter un individu ou un groupe de pouvoirs spécifiques
susceptibles de représenter une menace pour la société?
Quelles sont les ingérences dans la vie privée que pourraient causer les implants TIC
utilisés comme sources et/ou récepteurs d'informations dans un environnement en réseau?
Dans quelle mesure devrions-nous être soumis au contrôle exercé par de tels dispositifs ou
Amélioration des capacités fonctionnelles et conscience
Que recouvre l’idée d’être humain «amélioré»?
Comment faut-il entendre la notion de perfectibilité de l’être humain?
La création d'une «race» technologiquement améliorée donnerait-elle nécessairement naissance
à une nouvelle forme de racisme? La possibilité d’une utilisation industrielle des implants TIC
comme moyen de créer des corps et des cerveaux plus performants à des fins économiques pose
la question des limites à imposer à une telle utilisation. La question de l’utilisation des implants
TIC représente un bond culturel dans l'évolution humaine, comparable à l'invention de la machine
ou d'appareils (d’écriture, d’édition, numériques) complétant et optimisant des capacités
fonctionnelles comme la mémoire humaine.
Dans quelle mesure l’utilisation des implants TIC à des fins d’amélioration des capacités
fonctionnelles de l’être humain devrait-elle être autorisée?
Dans quelle mesure peut-on considérer que les implants TIC relèvent de ce qu’on pourrait
appeler la vision que chacun a de son propre corps, y compris la façon dont chacun conçoit
librement ses propres capacités corporelles et psychiques (améliorées)?
Aspects sociaux
Quelles peuvent être nos relations avec des personnes porteuses d’implants TIC en ligne?
Dans quelle mesure les implants TIC devraient-ils rester invisibles à un œil extérieur?
Dans quelle mesure les utilisations possibles dépendent-elles de valeurs comme le
contrôle ou l’efficacité, qui pourraient renforcer la dépendance de l’individu à l’égard des
forces du marché, notamment en cas d’utilisation (légale) sur le lieu de travail?
De quelle manière les implants TIC transforment-ils notre environnement social et culturel?
Dans quelle mesure peuvent-ils être utilisés pour le traçage des êtres humains, et dans
quels cas une telle utilisation devrait-elle être légale?
Dans quelle mesure cette technologie permet-elle la manipulation publicitaire et à des fins
Dans quelle mesure l’armée pourrait-elle en faire une utilisation abusive?
Prévisibilité des risques
Dans quelle mesure pouvons-nous nous prononcer aujourd’hui sur les avantages et les
risques présentés par les implants TIC?
Implants TIC pour lesquels une prudence particulière s’impose
les implants qui ne peuvent être aisément retirés;
les implants qui influencent, déterminent ou modifient certaines fonctions psychiques;
les implants qui, du fait qu’ils peuvent être mis en réseau, pourraient être abusivement
employés à divers titres, à des fins de surveillance et de manipulation sociales, notamment
dans le cas des enfants ou des personnes handicapées;
les implants qui influencent le système nerveux, en particulier le cerveau, et donc l’identité
de l’être humain en tant qu’espèce, ainsi que la subjectivité et l’autonomie individuelles;
les implants pour lesquels la distinction entre applications thérapeutiques et amélioration
des capacités fonctionnelles n’est pas toujours claire (voir la section 6.4.4);
les technologies «invasives» qui ne passent pas par l’expérience sensorielle normale;
les implants qui auront une incidence biologique et/ou culturelle sur les générations futures.
5.4. Précédents avis pertinents du GEE Avis n° 14 sur les aspects éthiques du dopage dans le sport
Dans son avis n° 14, le GEE déclarait: «Il est urgent, dans le cadre des politiques sportives, de mieux tenir compte des profonds changements qui ont eu lieu au cours de ce siècle en raison de l’impact économique et médiatique croissant du sport à l’échelle mondiale. Ces facteurs ont favorisé la médicalisation et le recours aux technologies de pointe dans le sport ainsi que le développement des industries qui lui sont connexes. Ceci explique que des pressions de plus en plus fortes pèsent sur les athlètes. C’est pourquoi il importe de resituer la lutte antidopage dans le contexte actuel en prenant acte qu'aujourd'hui, la performance et la victoire sont ressenties comme biens plus importantes que le seul fait de participer à une compétition. Face à cette situation, le Groupe entend mettre l’accent sur la tension qui existe entre la lutte antidopage et la recherche de performances toujours à dépasser.»
On peut aisément établir un parallèle entre le dopage dans le sport et les implants TIC,
notamment ceux qui visent à améliorer les capacités fonctionnelles.
Avis n° 17 sur les aspects éthiques de la recherche clinique dans les pays en développement
La plupart des recommandations formulées par le GEE dans son avis n° 17 sur les aspects
éthiques de la recherche clinique dans les pays en développement sont pertinents dans le
cadre du présent avis, pour ce qui concerne les essais cliniques sur les implants TIC. Ces
recommandations sont d’autant plus importantes que les dispositifs médicaux ne sont pas
couverts par la directive 2001/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 avril 2001,
concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et
administratives des États membres relatives à l'application de bonnes pratiques cliniques
dans la conduite d'essais cliniques de médicaments à usage humain23.
5.5. Questions éthiques générales relatives aux implants TIC dans le corps humain
Dans de précédents rapports et avis, notamment «Droits des citoyens et nouvelles technologies:
un défi lancé à l'Europe» (23 mai 2000) et «Aspects éthiques de l'utilisation des données
personnelles de santé dans la société de l'information» (avis n° 13 du 30 juillet 1999), le GEE a
mis en évidence certaines valeurs éthiques fondamentales dans le cas des technologies de
l’information et de la communication, en particulier:
la nécessité d’améliorer la protection de la vie privée (protection des données), en
respectant le droit des personnes de fixer des limites et de préserver leur intimité, leur
autonomie et la confidentialité des données les concernant; et
la nécessité d’armer les individus contre l’introduction de systèmes susceptibles de réduire
leur liberté et leur autonomie (vidéosurveillance, contrôle du comportement et profilage sur
la base des transactions via Internet) ou d’accroître leur dépendance à l’égard de
mécanismes de sélection et de décision opaques ou incompréhensibles.
L’homme n’est un être ni purement naturel, ni purement culturel. En fait, notre essence même est
liée à notre capacité de nous transformer. Sous cet angle anthropomorphique, les technologies de
l’information ont été, jusqu’à présent, considérées comme un prolongement de l’être humain.
Cependant, la transformation de notre corps a aussi des conséquences sur notre environnement
culturel. Selon ces prémisses, l’être humain est considéré comme une composante d’un système
complexe de messages naturels et artificiels fonctionnant sur une base numérique. En ce sens, le
corps humain peut être vu comme un ensemble de données. Ce point de vue a des effets
culturels importants, notamment parce qu’il exclut des phénomènes de haut niveau, comme le
psychisme et le langage humains, ou qu’il les conçoit essentiellement dans la perspective de leur
numérisation, donnant ainsi lieu à un réductionnisme simplifiant à l'extrême les relations
complexes entre le corps, le langage et l'imagination.
Cette vision réductrice ouvre néanmoins aussi la voie à différents types de développements et
inventions scientifiques et techniques. Les implants TIC dans le corps humain pourraient ainsi
être amenés à jouer un rôle majeur dans les questions de santé, voire conduire à l'amélioration
des capacités biologiques et/ou psychiques. Par extrapolation, cette logique pourrait même
aboutir à la transformation de l’espèce humaine.
Dès lors, dans quelle mesure devrions-nous nous laisser implanter des dispositifs TIC «sous la
peau»? À partir de quand les implants TIC menacent-ils la dignité de l’être humain, son identité et
ses capacités fondamentales? On peut avoir le sentiment qu’à l’instar des stimulateurs
cardiaques, les implants TIC présentent essentiellement des avantages pour la santé. Cependant,
ne pourrait-il y avoir des cas où ils seraient utilisés à d'autres fins, du fait, notamment, de
l'interconnexion des données numérisées dans un environnement en réseau? Quand pourraient-
ils être utilisés, par exemple, à des fins de surveillance, et dans quels cas un tel usage serait-il
légitime? Quels sont les risques contrebalançant les espoirs de capacités fonctionnelles
La problématique des implants TIC dans le corps humain se situe donc entre deux extrêmes: d’un
côté, la protection du corps humain «naturel», c’est-à-dire l’utilisation des implants TIC à des fins
médicales; de l’autre, l’élimination du corps humain tel que nous le connaissons aujourd’hui et son
remplacement par un corps artificiel – avec toutes les possibilités qui existent entre les deux. La
dignité humaine est propre à l’être humain en tant qu’être incarné. Par conséquent, la question de
l’autonomie et du respect de l’individu ne peut être séparée de celle des soins au corps et de la
modification possible du corps par implant TIC.
AVIS DU GEE Eu égard aux considérations qui précèdent, le Groupe européen d'éthique des sciences et des nouvelles technologies rend l’avis suivant: 6.1. CHAMP D'APPLICATION
Le présent avis se concentre sur la question des implantsTIC dans le corps humain. Il ne traite
pas du vaste champ des dispositifs TIC ou relevant de l’électronique «vestimentaire» en général,
même si, dans certains cas, ces dispositifs sont assimilables à des quasi-implants.
Il n’aborde pas la question des implants TIC chez l’animal, même si ces applications fournissent
des exemples de ce qui pourrait être fait chez l’homme.
Il examine les problèmes éthiques posés par l’accessibilité en ligne actuelle ou potentielle des
implants TIC, ainsi que par les dispositifs autonomes (c’est-à-dire ceux qui ne sont pas reliés à un
D’un côté, les principes et règles juridiques servent généralement de garde-fou aux dérives
technologiques et à rappeler que tout ce qui est techniquement possible n’est pas nécessairement
admissible sur le plan éthique, socialement acceptable, ni légalement approuvé. D’un autre côté, la
puissance d’une technologie donnant lieu à une infinité d’applications ne saurait être contrainte par
une législation faible, manquant sa finalité ultime. Par conséquent, il est nécessaire de se référer
systématiquement à des valeurs fortes, capables d’insuffler de la vie dans la constitutionnalisation
de l’individu qui, fruit d’un processus complexe, est clairement soulignée dans la Charte des droits
fondamentaux de l’Union européenne – à commencer par le préambule, où il est dit expressément
que l’Union «place la personne au cœur de son action».«We shall not lay hand upon thee» («Nous ne lèverons pas la main sur toi»). Telle était la
promesse faite dans la Magna Carta: celle de respecter le corps dans son intégralité (Habeas Corpus). Cette promesse a survécu au progrès technologique. Chaque intervention sur le corps,
chaque opération de traitement de données à caractère personnel doit être considérée comme
touchant le corps dans son ensemble, comme touchant un individu qui doit être respecté dans
son intégrité à la fois physique et mentale. C’est là un nouveau concept global de l’individu, et sa
traduction dans la réalité donne le droit de revendiquer le respect total d’un corps qui, aujourd’hui,
est à la fois physique et électronique. Dans notre monde actuel, la protection des données à
caractère personnel remplit la mission de garantir le «Habeas Data» que rend nécessaire un
environnement modifié, devenant ainsi une composante inaliénable de notre civilisation, comme
Parallèlement, on peut considérer que le corps n’est jamais achevé. Il peut être manipulé en vue
de la restauration de capacités fonctionnelles qui ont été perdues ou étaient d’emblée
manquantes (que l’on songe aux mutilations, à la cécité ou à la surdité); ou il peut être tiré au-delà
de sa normalité anthropologique par une amélioration de ses fonctions et/ou l’ajout de nouvelles
fonctions (encore une fois, dans un souci de bien-être de la personne et/ou de compétitivité
sociale, comme dans le cas de l’optimisation des capacités sportives ou des prothèses
d’intelligence artificielle). Nous sommes ainsi confrontés à des technologies capables à la fois de
réparer et d’améliorer le corps, à la multiplication de technologies implantables qui pourraient
modifier et étendre le concept des soins au corps et annoncer l’avènement du «cyborg» – soit du
corps post-humain. «Dans nos sociétés, le corps tend à devenir un matériau brut, qui peut être modelé en fonction des circonstances.» Il ne fait aucun doute que les possibilités de configuration
sur mesure se développent, de même que le risque de mesures politiques visant à placer
l’individu sous contrôle technologique.
Le fait de réduire le corps humain à une simple machine n’a pas pour unique effet de renforcer la
tendance – déjà évoquée – qui consiste à le transformer de plus en plus en un instrument de
surveillance permanente de l’individu. De fait, l’individu est alors dépossédé de son propre corps
et, par conséquent, de sa propre autonomie. Le corps se trouve placé sous un contrôle exercé
par d’autres. Or que peut-on espérer lorsqu’on est dépossédé de son corps?
6.2. IMPLANTS TIC ET DIGNITÉ HUMAINE
Le respect de la dignité humaine doit constituer le fondement de toute discussion relative aux
limites à imposer aux différentes utilisations des implants TIC.
Le GEE estime que les implants TIC ne représentent pas, en soi, un danger pour la liberté ou la
dignité de l’être humain. Dans le cas d’applications offrant, par exemple, la possibilité d’exercer
une surveillance individuelle et/ou collective, il convient toutefois d’évaluer soigneusement les
restrictions de liberté potentielles (voir la section 6.4.6). La protection de la santé et/ou de la
sécurité des personnes atteintes de troubles neurologiques graves par recours à des implants TIC
ne crée pas nécessairement un dilemme éthique entre le caractère inaliénable de la liberté et la
nécessité d’une protection médicale. Cependant, même dans ce cas, l’utilisation d’implants TIC
ne devrait pas entraîner de discrimination ou d’abus contraire à la santé.
6.3. IMPLANTS TIC À VISÉE MÉDICALE
Il va sans dire que, lorsqu’un implant TIC doit être utilisé à des fins médicales, le consentement
éclairé du patient est nécessaire. Les informations fournies à ce dernier ne devraient pas
uniquement porter sur les avantages et les risques possibles pour la santé, mais évoquer aussi le
risque d'une utilisation de l'implant à des fins de localisation personnelle et/ou d'accès aux
données qui y sont enregistrées, sans le consentement du porteur. Lorsque les risques sont
difficiles à prévoir, les informations fournies devraient le stipuler clairement.
L’implantation de dispositifs TIC à des fins médicales devrait être régie par les principes suivants:
l’objectif est important, comme sauver la vie du patient, le guérir ou améliorer sa qualité de
l’implant est nécessaire à la réalisation de cet objectif; et
il n’existe pas d’autre moyen d’y parvenir qui soit moins invasif et plus efficace en termes
Il conviendrait d’accorder une attention particulière à la question des implants bioartificiels, en
tenant compte des problèmes qu’ils soulèvent et des possibilités qu’ils offrent.
6.3.1. Individu et réseau
Dans la mesure où un implant TIC peut transformer son porteur en maillon d’un réseau
informatique, il convient de prendre en considération le fonctionnement de l’ensemble de ce
réseau – et pas uniquement de l’implant. Il est particulièrement important de veiller à ce que le
pouvoir exercé sur le réseau (qui y a accès, qui peut en retirer des données, qui peut modifier sa
configuration, etc.) soit transparent. Il en va du principe de respect de la personne, ainsi que du
6.3.2. Liberté de la recherche
Même si la nécessité de la recherche peut parfois être mise en doute, l’acquisition de nouvelles
connaissances est essentielle au développement des individus et des sociétés. La liberté de la
recherche doit cependant être limitée par d'autres valeurs et principes éthiques importants,
comme le respect de la personne et l'obligation d'éviter aux participants à des travaux de
recherche tout préjudice physique, mental ou économique.
La notion éthique d’inviolabilité du corps humain ne devrait pas être comprise comme un obstacle
au progrès scientifique et technologique, mais comme un garde-fou contre ses dérives possibles.
En l’espèce, la liberté de la recherche devrait être contrainte non seulement par l'obligation
d’obtenir le consentement éclairé des personnes se portant volontaires pour participer à de
nouvelles expériences à visée curative, mais aussi par la conscience du risque d’infliger des
dommages corporels et psychiques aux participants aux essais cliniques (voir l’avis n° 17 du GEE
sur les aspects éthiques de la recherche clinique dans les pays en développement, février 2003).
6.3.3. Participation à des projets de recherche sur les implants TIC
Lorsque des recherches visant, par exemple, à explorer les effets des implants TIC sont
conduites sur des volontaires sains ou des patients, le consentement éclairé de ces personnes
est nécessaire. Les informations fournies auxdites personnes ne devraient pas uniquement porter
sur les avantages et les risques possibles pour la santé, mais évoquer aussi les risques à long
terme, ainsi que le risque d'une utilisation de l'implant à des fins de localisation personnelle et/ou
d'accès aux données qui y sont enregistrées sans le consentement du porteur. Le droit
d’interrompre toute participation à un projet de recherche devrait toujours être respecté, et les
participants devraient être clairement informés de la manière dont ils pourront concrètement
exercer ce droit (dès lors qu’un dispositif électronique leur est implanté dans le corps).
6.3.4. Implants TIC, mineurs et personnes en incapacité légale
Le consentement éclairé est un principe éthique qui s’applique au domaine des implants TIC dans
le corps humain. Cependant, ce principe demande à être précisé, notamment dans le cas de
personnes qui, en raison de leur âge (enfants, personnes âgées) et/ou de leur état psychique,
sont censées être assujetties à des implants TIC à des fins de surveillance médicale: les implants
TIC chez les mineurs et les personnes en incapacité légale ne devraient être possibles que sous
réserve du respect des principes énoncés dans la Convention du Conseil de l'Europe sur les
Enfin, il conviendrait d’accorder une attention particulière à la question des implants cochléaires
chez l’enfant (voir la section 5.2 – conflits de valeurs).
6.3.5. Accès aux implants TIC à visée médicale
Il conviendrait de garantir un accès équitable aux implants TIC à visée médicale. Autrement dit,
cet accès devrait être conditionné par les besoins en termes de santé, plutôt que par les
ressources économiques ou la position sociale.
6.3.6. Implants TIC irréversibles
Les exigences de consentement éclairé et de protection des données (en particulier, de leur
caractère privé et de leur confidentialité) doivent être strictement respectées lorsque l’implant TIC
est irréversible, c’est-à-dire ne peut-être retiré du corps du patient sans risque grave pour sa
santé ou même sa vie. Les implants irréversibles ne devraient pas être utilisés à des fins de
recherche, à moins que la recherche en question n’ait pour objet d’apporter un bénéfice
6.4. IMPLANTS TIC À VISÉE NON MÉDICALE
Les principes de consentement éclairé, de respect de la vie privée, etc. doivent aussi être
invoqués au regard du vaste éventail d’applications non médicales que pourraient avoir les
implants TIC. Certaines de ces applications sont analysées dans les sections suivantes. D’une
manière générale, le GEE soutient que les applications non médicales des implants TIC sont une
menace potentielle pour la dignité humaine et la société démocratique. Il faudrait donc veiller à ce
qu’elles respectent, en toutes circonstances, les principes de consentement éclairé et de
proportionnalité et, chaque fois qu’elles ont la surveillance pour finalité, les règles énoncées à la
Le GEE souligne que les informations fournies aux adultes donnant leur consentement éclairé à
certaines applications devraient inclure des renseignements clairs sur les éventuels risques pour
leur santé à court et/ou long terme, ainsi que sur le risque d'une manipulation des données contre
6.4.1. Psychisme et identité personnelle
D’après nombre de théories éthiques, l'identité personnelle joue un rôle crucial dans l’attribution
de la responsabilité morale. C’est pourquoi les implants TIC ne devraient pas être utilisés à des
fins de manipulation mentale ou de modification de l’identité personnelle. Le droit au respect de la
dignité humaine, y compris le droit au respect de l’intégrité physique et mentale, est à la base de
6.4.2. Implants TIC et données à caractère personnel
Les implants TIC pouvant générer des données sur le corps humain, les principes relatifs à la
protection des données doivent leur être appliqués. Le caractère privé et la confidentialité des
données doivent être respectés. Chaque individu a le droit de déterminer quelles données le
concernant doivent être traitées, par qui et dans quel but. Le droit de choisir qui a accès aux
données et à quelle fin est particulièrement crucial.
Les droits ci-dessus sont d’autant plus importants lorsque les implants TIC fonctionnent en ligne,
notamment dans le cadre de dispositifs de surveillance. En d’autres termes, le GEE souligne
l’importance de veiller non seulement à ce que l’individu ait droit à la protection des données le
concernant, mais aussi à ce que la société exerce un contrôle tel sur ces dispositifs lorsqu'ils sont
autorisés et qu'ils ne puissent devenir source de restrictions inadmissibles des droits
fondamentaux, voire entraîner leur négation. Il conviendrait d’y veiller tout particulièrement dans le
cas où ils deviendraient partie intégrante de systèmes de santé au sein desquels des données
sont occasionnellement ou continuellement communiquées à des tiers. L’utilisation d’implants TIC
à des fins de contrôle à distance de la volonté d’autrui devrait être strictement interdite.
Une législation et des orientations ad hoc devraient être élaborées à cet effet. La responsabilité
en incombe aux États membres. Le GEE suggère néanmoins que la Commission prenne ici
6.4.3. Implants TIC et vie privée
Sous réserve que les implants TIC respectent les principes énoncés dans le présent avis, il n’y a
pas lieu de les déclarer. Ils pourraient et devraient rester invisibles aux yeux d’un observateur
extérieur. Le droit au respect de la vie privée inclut le droit de porter un implant TIC.
6.4.4. Implants TICs et amélioration des capacités physiques et mentales
Il conviendrait de veiller à ce que les implants TIC ne puissent être utilisés pour créer une société
à deux vitesses ou pour creuser le fossé entre les pays industrialisés et le reste du monde. Leur
utilisation à des fins d'amélioration des capacités fonctionnelles devrait être réservée aux cas
pour faire entrer des enfants ou des adultes dans la frange «normale»24 de la population, à
condition qu’ils le souhaitent et sous réserve de leur consentement éclairé; ou
24 Le concept de «normalité» n’est pas précis. L’emploi de ce terme à la section 6.4.4 renvoie toutefois à l'état
corporel généralement prédominant, non affecté par une malformation, une maladie ou une déficience génétique et
pour améliorer les perspectives en matière de santé (par exemple, en renforçant le
système immunitaire de façon à le rendre résistant au VIH). Comme dans le cas des
applications médicales, l’accès aux implants TIC devrait être ici conditionné par les besoins
réels, plutôt que par les ressources économiques ou la position sociale.
Selon le GEE, les utilisations suivantes des implants TIC devraient être interdites:
pour modifier l’identité, la mémoire, la perception de soi et la perception d’autrui;
pour améliorer les capacités fonctionnelles à des fins de domination;
pour exercer une coercition sur les personnes qui n’en sont pas dotées.
6.4.5. Implants TIC, commercialisation et intérêts des consommateurs
Alors même que le corps humain, en tant que tel, ne devrait pas être source de profits, divers
types d'implants TIC sont déjà commercialisés – comme on l’a vu dans la partie du présent avis
consacrée au contexte scientifique. Or il est essentiel de veiller à ce que ces produits ne puissent
être lancés sur le marché sans contrôle adéquat. Par exemple, les implants TIC assimilables à
des produits médicaux devraient être contrôlés en vertu de la législation pertinente en vigueur. Il
conviendrait ainsi de déployer les efforts nécessaires pour que tous les implants TIC soient
soumis à un contrôle de sûreté et de sécurité avant commercialisation.
6.4.6. Implants TIC utilisés à des fins de surveillance
Les implants TIC utilisés à des fins de surveillance menacent tout particulièrement la dignité de
l’être humain. Une telle utilisation pourrait être le fait d’autorités publiques, d’individus et de
groupes cherchant à renforcer leur pouvoir sur les autres. Les implants pourraient servir à
localiser des personnes (mais aussi à obtenir d’autres types d’informations les concernant). Ce
pourrait être justifié par des raisons de sécurité (libération anticipée de prisonniers) ou de sûreté
(localisation d’enfants en état de vulnérabilité).
Le GEE insiste cependant sur le fait que l’utilisation des implants TIC à des fins de surveillance ne
saurait être autorisée que si le législateur estime que la société démocratique en a un besoin
urgent et justifié (article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme) et qu’il n’existe
pas de méthode moins intrusive. Le GEE n’y est toutefois pas favorable. Il considère que les
applications à visée de surveillance devraient, en toutes circonstances, être inscrites dans la
législation. Dans chaque cas individuel, les procédures de surveillance devraient être approuvées
et contrôlées par une juridiction indépendante.
Les mêmes principes généraux devraient régir l’utilisation des implants TIC à des fins militaires.
6.5. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES 6.5.1. Développement de la société de l'information
Le GEE estime que les questions éthiques soulevées par les implants TIC dans le corps humain
sont intimement liées au développement de la société de l’information dans son ensemble. Il
soutient fortement l’objectif d’une société de l’information à dimension humaine, inclusive et
privilégiant le développement, tel que proclamé dans la Déclaration de principes du Sommet
mondial sur la société de l'information (Genève, 2003).
6.5.2. Débat public et information
Un vaste débat social et politique s'impose sur le type d’applications qui devrait être accepté et
légalement approuvé, notamment pour ce qui concerne la surveillance et l'amélioration des
capacités fonctionnelles. Le GEE recommande une approche prudente. Il incombe aux États
membres et à leurs comités nationaux d’éthique (ou institutions équivalentes) de créer les
conditions nécessaires à l’éducation ainsi qu’à des débats constructifs et étayés en la matière.
6.5.3. Démocratie et pouvoir
Le présent avis diffère d’un certain nombre d’avis précédents du GEE en ceci qu’il traite d’un
domaine nouveau, à croissance rapide. Pour des législateurs européens conscients de leurs
responsabilités, il pose les jalons essentiels d’un futur programme de travail.
Le débat public et l’éducation sont indispensables pour garantir la transparence. Il incombe aux
États membres de veiller à ce que le pouvoir de développer des implants TIC et la capacité d’y
accéder soient régis par des processus démocratiques.
6.5.4. Nécessité d’une réglementation
Il est clair que le domaine des implants TIC dans le corps humain doit être réglementé. À l’heure
actuelle, les implants à visée non médicale ne sont pas explicitement couverts par la législation
en vigueur, notamment en ce qui concerne le respect de la vie privée et la protection des
données. Toute réglementation en la matière doit être fondée sur les principes de dignité
humaine, de respect des droits de l’homme, d’équité et d’autonomie, ainsi que sur les principes
dérivés de précaution, de minimisation des données, de spécification de la finalité, de
proportionnalité et de pertinence (voir les sections 4 et 5).
Du point de vue du GEE, les implants TIC à visée médicale devraient, quant à eux, être
réglementés à l’instar de médicaments lorsque l'objectif médical est le même, dans la mesure,
notamment, où ces implants ne sont que partiellement couverts par la directive 90/385/CEE du
Conseil concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux dispositifs
Le GEE recommande que la Commission européenne lance des initiatives législatives dans ces
domaines d’application des implants TIC.
6.5.5. Recherche d’impact et implants TIC
Il convient de poursuivre les recherches sur l’impact à long terme – sur le plan social, culturel et
de la santé – des différents types d’implants TIC, en accordant une attention particulière à la
caractérisation, à l’évaluation, à la gestion et à la communication des risques. Le GEE estime que
cet objectif devrait orienter le 7e programme-cadre de recherche de l’Union européenne. Dans un
domaine à croissance rapide, cette sorte de «recherche de précaution» revêt, en effet, une
6.5.6. Nécessité d’une révision
Les implants TIC en sont à leurs balbutiements, mais une évolution rapide est en cours, qui
soulève autant d’espoirs que de craintes sur le plan sociétal. Le GEE s’est penché sur les
grandes questions éthiques que posent les applications actuelles ou d’ores et déjà prévisibles des
implants TIC. Il est clair, cependant, qu’il devra actualiser son avis à la lumière de leurs
applications nouvelles. Les implants à première vue sans danger (permettant, par exemple, de
traiter un grave problème de santé), mais pouvant se révéler moins bénins en cas d’application à
d’autres fins, appellent une vigilance particulière. Le GEE estime en conséquence qu’une révision
du présent avis pourrait s’imposer d’ici trois à cinq ans.
Le Groupe européen d'éthique des sciences et des nouvelles technologies
THE TEMPORAL AND EXTRASTRIATAL D2/D3 RECEPTOR BINDING PROFILE OF ARIPIPRAZOLE IN PATIENTS WITH SCHIZOPHRENIA G Gründer1, I Vernaleken1, Ch Boy2, A Bröcheler1, Ch Fellows2, H Janouschek1, S Hellmann1, Ch Hiemke4, P Bartenstein3, F Rösch5, U Büll21Department of Psychiatry and Psychotherapy, RWTH Aachen University, 52074 Aachen, Germany; 2Department of Nuclear Medicine, RWTH Aachen Uni
Science, bitches: it works Kris King – May 13th 2012 Disgracefully, I haven’t written a blog post in a little over a month; predictably, I have an excuse; surprisingly, it’s a really good one. Since easter weekend my partner, Raven, and I have been engaged in a seemingly never-ending battle against the forces of contagion present in the numerous furry creatures we’ve chosen to ta