Ast ergot

Afssa – Saisine n° 2008-SA-0047
de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments
relatif à la contamination de céréales destinées à l'alimentation humaine par de

L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) a été saisie le 29 février 2008 par la
Direction Générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes
(DGCCRF) d'une demande d’appui scientifique et technique relatif à la contamination de céréales
destinées à l'alimentation humaine par de l'ergot
1. Contexte
Les autorités belges ont signalé le 27 février 2008 à la DGCCRF le résultat d’un contrôle officiel,
réalisé sur un lot de 26 tonnes de seigle cultivé en France, mettant en évidence une
contamination par de l’ergot (Claviceps purpurea) de 1605 mg/Kg. La marchandise était destinée
à la consommation humaine.
Un avis sur le seuil en ergot à partir duquel un lot de céréales destiné à la consommation humaine est susceptible de présenter un risque pour le consommateur ou peut être considéré comme « impropre à la consommation » est sollicité. Les éléments d’éclairage suivants, présentés et discutés lors de la session du Comité d’Experts
Spécialisé « Résidus et Contaminants Chimiques et Physiques » du 12 mars 2008, sont apportés
par l’Afssa.
2.
Source et facteurs favorisant l’apparition de l’ergot
Les ergots ou sclérotes sont formés par un champignon du genre Claviceps. Ce genre appartient aux ascomycètes, et est classé parmi les clavicipitales. Il attaque les inflorescences ou épis de la plupart des graminées. Les sclérotes ou ergots remplacent la graine et contiennent des alcaloïdes, toxines responsables des maladies observées aussi bien chez l’homme que chez l’animal (ergotisme). Il convient de noter que la quantité totale d’alcaloïdes n’est pas proportionnelle au nombre de sclérotes. Or, c’est sur ce dernier critère que se base l’ensemble des réglementations ou seuils en vigueur à ce jour (voir § spécifique). Les cultures comme le seigle et certaines graminées fourragères sont plus sensibles aux infections d'ergot parce qu'elles sont à pollinisation ouverte, ce qui facilite la pénétration du champignon dans l'épi en floraison. L'ergot peut également être une source de préoccupation lorsque les graminées fourragères sont cultivées pour la semence. Les céréales comme le blé et l'orge sont moins sensibles aux infections parce qu'elles se reproduisent par autopollinisation, mais les taux de présence d'ergot peuvent néanmoins être parfois assez élevés pour causer le déclassement du grain. L'avoine est rarement infectée par le champignon de l'ergot. Les plantes sont moins sensibles une fois que la floraison a eu lieu. Les plantes dicotylédones ne sont pas sensibles à l'ergot. Elles jouent donc un rôle utile à cet égard dans la rotation des cultures Les infections d'ergot sont plus fortes les années où les conditions d'humidité persistent pendant les deux phases du cycle de vie du champignon. Premièrement, le sol superficiel doit être humide au printemps et au début de l'été pour favoriser la germination des sclérotes. Deuxièmement, l'air humide et frais et un ciel couvert prolongent la durée de la floraison et augmentent ainsi la fenêtre Afssa – Saisine n° 2008-SA-0047
res. Ces conditions atmosphériques peuvent aussi favoriser l'activité des populations de puceron, de thrips, de cécidomyie et de cicadelle, lesquels agissent
comme vecteurs potentiels des spores gluantes (Pearse, 2006).
Les conditions agronomiques, comme un faible dosage d'engrais, peuvent retarder la maturité
des cultures et contribuer à la formation de fleurons plus ouverts, donc plus vulnérables à
l'infection (Pearse, 2006).

Dans les régions tempérées comme la France, Claviceps purpurea est le plus souvent rencontré.
Il est ubiquiste et connu depuis très longtemps pour contaminer les graminées céréalières : seigle
principalement mais aussi blé, orge et avoine. Bien qu’il soit reconnu que C. purpurea infeste
également de nombreuses espèces de graminées fourragères et gazons cultivés en France (ray-
grass, fétuque, dactyle, fléole…), son incidence sur ces végétaux a été beaucoup moins étudiée. .
Les sclérotes sont formés d'un corps dur issu du mycélium du champignon. Leur capacité à
survivre aux conditions hivernales leur permet de compléter leur cycle de reproduction.
L'enveloppe protectrice des sclérotes est dure et de couleur brun-noir violacé, et l'intérieur varie
du blanc au gris. Les sclérotes ont souvent une forme allongée et dépassent des glumes dans les
épis approchant le stade de maturité. Les épis peuvent contenir plusieurs sclérotes. Dans
certaines céréales, la taille des sclérotes peut être jusqu'à 10 fois plus grande que celle des
grains qu'ils remplacent: ils sont facilement repérables dans le grain non nettoyé. Mais dans les
graminées fourragères, les sclérotes restent petits et élancés.
Les toxines de l’ergot
Plus de 40 toxines ont été isolés des sclérotes de Claviceps (Lorenz, 1979). Il s’agit : principalement des alcaloïdes ergopeptides dont les plus toxiques sont l’ergotamine, l’ergometrine, l’ergosine, l’ergocornine, l’ergocristine, l’ergokryptine et l’ergotaminine ; ce sont des dérivés de l’acide lysergique ou de l’acide isolysergique, et secondairement de substances de type clavine.
Les alcaloïdes de l’ergot ont fait l’objet de rares études de contamination naturelle de produits
céréaliers. Les principales informations sont d’origine canadienne. Ainsi, Scott et al. (1992) ont
décrit la contamination naturelle par les six principaux alcaloïdes de plus de 400 échantillons
céréaliers prélevés sur 5 récoltes successives de 1985 à 1991, au Canada. Les deux toxines
majeures ont été l’ergotamine et l’ergocristine. La farine de seigle était de loin la matrice la plus
contaminée (118 échantillons positifs sur 128 contenant 70 à 3972 ng d’alcaloïdes par gramme),
en comparaison de la farine de blé (68/93 contenant 15-68 ng/g) ou de titricale (24/26 contenant
46-243 ng/g). La recherche d’alcaloïdes dans le pain de seigle s’est avérée positive dans 46 cas
sur 100 avec des teneurs de 4,8 à 100ng/g. Les alcaloïdes de l’ergot ont été également retrouvés
dans des produits céréaliers destinés aux enfants, en particulier ceux à base d’orge (Lombaert et
al.,
2003).

Les données relatives à la toxicité des alcaloïdes à l’issue de la transformation des céréales sont
contradictoires :
D’un côté il est observé une certaine vulnérabilité : les alcaloïdes sont très instables aux UV et à la chaleur et leur toxicité diminue au cours d’un stockage prolongé (Komarova et al., 2001). La cuisson (panification) ou les autres traitements par la chaleur détruisent la plupart des alcaloïdes du groupe des ergopeptides (IPCS, 1990) En revanche, selon Pearse (2006) les nombreux alcaloïdes contenus dans les sclérotes d'ergot demeurent actifs même après la transformation du grain pour la consommation C’est pour la raison du maintien d’une certaine toxicité, même controversée, que des seuils ont été fixés basés sur la quantité relative de sclérotes dans un prélèvement de grains (voir § L’AESA, dans son avis d’avril 2005, indique que la détermination physique du taux de contamination est souvent imprécise, dans la mesure où la taille, le poids et la composition des sclérotes peuvent varier de manière considérable. Afssa – Saisine n° 2008-SA-0047
Effets sur la santé

4.1
Effets sur la santé animale
On distingue deux formes d’intoxications liées à la consommation d’aliments contaminés par l’ergot de C. purpurea. La forme convulsive se caractérise par une hyperexcitabilité, des titubations, des spasmes, des tétanies, des paralysies, suivis parfois de la mort. Elle s’observe le plus souvent lors d’intoxications aiguës. La forme gangreneuse dont les signes (poil terne, gangrène sèche ou humide) apparaissent d’abord aux extrémités du corps, s’observe lors d’une exposition chronique aux toxines. La vasoconstriction entraîne une nécrose des tissus, extrémités des pattes, oreilles et queue, qui peuvent tomber dans certains cas. Ceci s’observe d’autant plus que la température est basse. Chez les porcins, dans les cas les plus graves, on rapporte un arrêt de lactation conduisant à une mortalité élevée des porcelets. Chez les bovins, la lactation est diminuée, une enflure des pieds et une boiterie peuvent être les premiers signes visibles de toxicoses. En outre, les animaux présentent une diarrhée, et une hyper-salivation excessive accompagnée de soif intense. Chez les ovins, des difficultés respiratoires, une hyper-salivation, des diarrhées voire des saignements digestifs sont rapportés. Le taux de gestation est également diminué. Chez les volailles, on observe une diminution de la croissance et du taux de ponte ainsi qu’une forte mortalité des poussins. Une gangrène de la crête, de la langue et du bec peut également se produire. Chez les chevaux, les intoxications sont rares mais souvent aiguës. Les principales manifestations observées sont agalactie et mortinatalité. Deux épisodes ont été décrits au Brésil (Riet-Correa et al., 1988 ; Copetti et al., 2001). Dans l’épisode le plus récent, un groupe d’une douzaine de juments gestantes a consommé un lot d’avoine contaminé par des sclérotes de C. purpurea à hauteur de 0,22% en masse des grains présents. Le signe le plus évident fut une absence de préparation de la mamelle suivi d’agalactie. Les juments ont donné naissance à des poulains faibles, dépourvus de réflexe de succion. Les poulains sont décédés en quelques heures. Même les carnivores domestiques peuvent être concernés. Brosig (1993) rapporte un cas d’ergotisme chez un chat ayant mâché des graminées (Ray grass anglais) contaminées par C. purpurea. Ce chat a présenté un syndrome gangreneux (queue, nez). Après euthanasie, l’autopsie a révélé la présence d’un sclérote resté coincé entre les prémolaires. Les pertes économiques occasionnées par les différentes formes de l’ergotisme ne peuvent être négligées. Aux pertes directes liées à une dévalorisation de la qualité de la récolte s’ajoutent les pertes liées à une altération de la production (Bandyopadhyay et al., 1998). A titre d’exemple, un cas a été rapporté en 2000 en Australie, dans lequel il est mentionné que la production laitière, après consommation de grain de sorgho contenant 17% d’ergot de C. africana, a brutalement diminué de 850 à 650 L/jour sur l’ensemble du troupeau de bovins affecté. De même, un troupeau de bovins laitiers recevant une alimentation contenant du seigle ergoté à 0,15% par C. purpurea pendant 10 jours, a vu sa production laitière diminuer de 16,7 à 12,4 L/jour (Blaney et al., 2000a, b, c). Aux pertes liées à l’ergotisme s’ajoutent des risques liés au transfert de résidus dans les produits laitiers. Bien qu’aucune donnée spécifique ne soit disponible concernant le transfert des alcaloïdes de l’ergot dans les tissus, ces composés sont retrouvés dans le lait d’animaux consommant des graminées contaminées. En effet, chez les porcelets allaités, on observe parfois une gangrène des extrémités des oreilles et de la queue (Duval, 1994). Par ailleurs, en tant qu’alcaloïdes, ces molécules présentent les caractéristiques physico-chimiques (composés basiques dont la forme non ionisée est liposoluble) très favorables à leur passage dans le lait Afssa – Saisine n° 2008-SA-0047
4.2
Effets sur la
santé humaine s-Alfort, le
La « maladie de l’ergot » est une affection observée dans pratiquement tous les pays du monde suite à l’ingestion de céréales ou graminées contaminées par des moisissures du genre Claviceps. L’ « ergotisme », plus spécifiquement lié à l’ingestion d’ergot du seigle (C. purpurea), est connu pour être responsable des « feux de Saint Antoine » ou « mal des ardents » observés chez l’Homme. Les symptômes comprenaient un ralentissement de la circulation sanguine, qui provoquait l'alternance d'une sensation de grande chaleur et de grand froid, puis de la gangrène aux extrémités du corps. Des convulsions nerveuses se produisaient parfois et pouvaient entraîner la mort. Du 8ème au 16ème siècle en Europe, cette affection provoqua la mort de centaines de milliers de personnes. Depuis, l’homme n’est quasiment plus victime de cette maladie. Néanmoins, des cas d’intoxications aiguës survenus au XXème siècle sont rapportés : En France, un épisode se serait produit en 1951 à Pont Saint-Esprit, dans le Gard, après la consommation de pain. Mais cet épisode est resté non confirmé. Les derniers épisodes mentionnés dans la littérature se sont produits : D’une part en Ethiopie en 1978 suite à la consommation d’un mélange de céréales contenant 0,75% d’ergot de C. purpurea , 93 personnes ont été intoxiquées dont 47 moururent. L’alcaloïde ergométrine fut détectée dans les sclérotes (IPCS, 1990). D’autre part dans un village en Inde en 1975 suite à la consommation de millet contenant 1,5-17,4% d’ergot de C. fusiformis. Le groupe des alcaloïdes clavines fut détecté dans les sclérotes à une teneur totale de 15-199 mg/kg. Dans un village voisin où la population a consommé du millet contenant 0,1-3,8% d’ergot avec une teneur en même type d’alcaloïdes de 15-26 mg/kg, aucun cas d’intoxication n’a été rapporté (IPCS, 1990). L’AESA, dans son avis d’avril 2005, indique qu’« aujourd'hui, les données sur les propriétés
toxicologiques des alcaloïdes de l'ergot pris individuellement sont trop limitées pour sélectionner
des marqueurs toxiniques individuels permettant de surveiller l'étendue de la contamination. Les
données concernant la toxicité de chacun des alcaloïdes de l'ergot sont peu nombreuses.
5. Seuils
réglementaires
En Europe, en alimentation humaine comme en alimentation animale, les mycotoxines de Claviceps sont réglementées indirectement par une limite sur la proportion pondérale d’ergot : en alimentation humaine, cette limite est de 0,5 g par kg (0,05%) de blé tendre et de blé dur et uniquement pour les lots destinés à l’intervention (règlement européen 824/2000 modifié) ; en alimentation animale, la directive européenne 2002/32 et l’arrêté français du 12 janvier 2001 limitent à 1g d’ergot par kg (0,1%) d’aliment pour animaux ‘contenant des céréales non moulues’.
En Australie, face à l’importance croissante de l’ergot du sorgho, les autorités (Queensland
Stockffod Regulations) ont introduit en octobre 1997, une valeur limite de 0,3% d’ergot dans le
sorgho et ses dérivés en alimentation animale (Blaney et al., 2000). Il est recommandé de ne pas
alimenter des truies allaitantes par du seigle ayant une teneur supérieure à 0,02% en ergot
(Blaney et Murray, 2001).
Au Canada, des seuils établis par la Commission Canadienne des Grains (CCG) dans les
céréales sont aussi exprimés en pourcentage du poids des ergots par rapport au poids net de 1 intervention = exportation de céréales décidée par les autorités européennes avec aide financière permettant au lot d’être commercialisable sur le marché mondial à un cours moins cher que le cours du marché intérieur Afssa – Saisine n° 2008-SA-0047
Tableau 1 : Seuils de te
neur en ergot pour les grades primaires
Céréale
Nom du grade
(% du poids net)
Aucune limite 3 (nbre d'ergots de la taille d'un grain d'orge dans Triticale
4 (nbre d'ergots de la taille d'un grain dans 500 g) 8 (nbre d'ergots de la taille d'un grain dans 500 g) * CWRS : Blé roux de printemps de l'Ouest canadien CWHWS : Blé de force blanc de printemps de l'Ouest Canadien CWSWS : Blé tendre blanc de printemps de l'Ouest canadien CWAD : Blé dur ambré de l'Ouest canadien CWRW - Blé rouge d'hiver de l'Ouest canadien CWES : Blé extra fort de l'Ouest canadien CPSW : Blé blanc de printemps Canada Prairie CPSR : Blé roux de printemps Canada Prairie Dans la classification canadienne, la plupart des céréales ayant un taux supérieur à 0,04% et inférieur à 0,1% sont classées pour l’alimentation animale. Il est aussi recommandé d’éviter de donner des aliments ayant un taux supérieur à 0,1% à des porcs en croissance (Oresanya et al., Afssa – Saisine n° 2008-SA-0047
Pour répondre à la question posée
Considérant que le risque de contamination des céréales soit identique à celui du blé, voire même supérieur pour certaines telles que le seigle qui ont une pollinisation ouverte, Considérant que la contamination est par principe hétérogène, et que la seule valeur de 1 625 mg d’ergot par kg de seigle -soit en rapport poids de 0,16%- est indiquée sans précision de valeur moyenne ou d’incertitude de mesure, laissant le doute sur la possibilité de valeurs supérieures au sein d’un lot, Considérant qu’il n’est rapporté aucune mention sur le contenu en alcaloïdes de l’ergot dans l’échantillon incriminé, Considérant que les données relative à la la toxicité de chaque alcaloïde de l'ergot sont trop peu nombreuses pour statuer sur une prévision du type d’effets sur la santé humaine, en particulier pour des catégories de consommateurs telles que les enfants en bas âge ou les femmes allaitantes, Considérant que le seuil recommandé pour l’alimentation animale est de 0,10% en poids d’ergot, que des études ont montré des troubles de la lactation chez la vache laitière pour un taux de 0,15%, et qu’il est recommandé de ne pas alimenter des truies allaitantes par du seigle ayant une teneur supérieure à 0,02% en ergot, Considérant que pour toute céréale, dont le seigle, une transformation en farine et panification peut se produire, à l’instar de ce qui est pratiqué pour la farine de blé tendre, et qu’ainsi un transfert maximal de la contamination est possible dans un produi

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